Pages versos
Ces pages versos, qui semblent être des brouillons aléatoires en désordre, sont des ébauches des premiers poèmes et nouvelles de L.M. Montgomery. Quelques-uns de ces textes étaient déjà publiés lorsqu’elle a rédigé Anne en 1905 et 1906; d’autres ont probablement été dactylographiés et conservés ailleurs. Certains brouillons sur des versos montrent ses premières expérimentations : « A Baking of Gingersnaps » (Les biscuits au gingembre) a été sa première nouvelle publiée; elle mettait alors à l’essai les noms de plume Maud Cavendish et Maud Eglinton. Après le chapitre 15, elle comment à écrire Anne au recto et au verso. Pourquoi est-elle passée de feuilles de brouillon à des feuilles vierge?
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parce que je suis la fille de Leslie Gray n’est-ce pas? Je sais que mon père vous a aimée, son frère, oncle Willis m’a tout raconté. »
— J’ai gâché tout ma vie à cause de ma détestable fierté, reprit tristement la vieille dame, mais vous m’aimerez quand même, n’est-ce pas, Sylvia? Et vous me rendrez visite parfois? Vous m’écrirez après votre départ?
— Je viendrai vous voir tous les jours, répondit Sylvia. Je vais rester à Spencerville encore une année, juste pour être près de vous. Et quand j’irai en Europe l’an prochain, grâce à vous chère bonne fée, je vous écrirai chaque jour. Nous serons les meilleures amies amies du monde et nous vivrons une merveilleuse année d’amitié.
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peur. La beauté de Prissy se fana bientôt. Elle était toujours mignonne, mais son éclat s’était estompé et elle devint plus renfermée et plus terne à mesure que les années passaient. Elle n’aurait jamais osé porter sa deuxième robe la plus jolie sans demander l’autorisation à Emmeline. Elle aimait beaucoup les chats et Emmeline refusait d’en garder un à la maison. Emmeline enlevait même la page du feuilleton dans le feuillet paroissial avant de le donner à Prissy parce qu’elle n’approuvait pas la lecture de romans. Être témoin de tout ça me rendait furieuse. Elles devinrent mes plus proches voisines quand j’épousai Thomas et je leur rendais souvent visite. Parfois, j’en voulais vraiment à Prissy de céder comme elle le faisait, mais, tout compte fait, elle ne pouvait s’en empêcher, elle était née comme ça.
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— Oh! Je suis certaine que Mme la bonne fée est Mme Moore, dit Sylvia. Je ne vois personne d’autre. C’est tellement gentil de sa part, elle savait à quel point je désirais aller à cette réception avec Janet. Je voudrais que ma tante puisse me voir en ce moment. Il y av Malgré sa joie, Sylvia soupira légèrement.
Il n’y a — Il n’y a personne d’autre pour s’en réjouir beaucoup.
Ah! Sylvia, comme tu avais tort! Il y avait quelqu’un d’autre, quelqu’un qui se réjouissait beaucoup, une vieille dame camouflé sous le lilas, qui te dévorait avidement des yeux et qui, en ce moment, s’enfuyait au clair de lune
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Je me sens aussi éternellement jeune que la nature elle-même. Et oh! C’est si merveilleux de ne pas plus m’occuper des thermomètres, de la température et des caprices des autres. Laisse-moi céder à mes propres caprices, chère Louisa, et punis-moi en me donnant un repas froid quand j’arrive en retard. Je ne veux même plus retourner à l’église. C’était affreux là-bas, hier. L’église est si agressivement propre, flambant neuve et moderne. »
— On dit que c’est la plus jolie église des environs, protesta Louisa, légèrement vexée.
— Les églises ne devraient pas être jolies; elles devraient avoir au moins cinquante ans et ne devoir leur beauté qu’à l’âge. Les églises neuves sont une abomination.
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Et il y avait une note de gaminerie dans ce rire.
— T’as raison, après va-t-il, mais il fallait que j’me débarrasse de la malice et de la rancœur accumulées pendant vingt ans. C’est fait maintenant, et j’vais me montrer aussi aimable aimable que j’sais l’être. Comme tu t’es donné la peine de préparer mon souper, Nancy, il va falloir que tu restes et m’aides à le manger. Ces fraises ont l’air bonnes. J’en ai pas mangé de l’été, trop occupé pour en cueillir.
Nancy resta. Elle prit place à l’extrémité de la table et versa le thé de Peter. Elle lui parla avec esprit des habitants d’Avonlea et des changements qu’elle avait remarqués dans leur vieux village. Peter l’écouta sans timidité apparente,
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— Tu parais bien au bout d’une table, Nancy, déclara-t-il d’un ton critique. Comment ça se fait que t’en as pas présidé une à toi longtemps avant aujourd’hui? J’croyais que tu rencontrerais plein d’hommes qui te plairaient dans le monde, des hommes qui feraient pas de fautes de grammaire.
— Arrête, Peter, s’écria Nancy en tressaillant. J’ai été idiote.
— Non, t’avais parfaitement raison. C’est moi qui était trop soupe-au-lait. Si j’avais assez d’intelligence, j’aurais été content que tu m’considères assez pour essayer de m’améliorer et j’aurais essayé d’corriger mes fautes au lieu de m’fâcher. C’est trop tard à présent j’suppose.
— Trop tard pourquoi? demanda Nancy à qui le ton et le regard de Peter firent reprendre courage.
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— Tu n’as pas vu Peter à l’é Wright à l’église, demanda-t-elle.
La question lui avait brûlé les lèvres.
Nancy hocha la tête.
— En effet, il était assis dans le banc du coin. Je ne l’ai pas trouvé trop changé. Les cheveux poivre et sel lui vont bien. Mais, au-dedans de moi, je me sentais horriblement déçue. Je m’étais attendue à ressentir une émotion romantique, mais je n’éprouvais rien de plus qu’un intérêt sympathique, comme je l’aurais éprouvé envers n’importe quel vieil ami. J’ai fait tout ce que j’ai pu, Louisa, mais je n’ai pas ressenti d’émotions.
— Est-il venu te parler, poursuivit Louisa qui n’avait pas la moindre idée de ce à quoi Nancy faisait allusion avec ses émotions.
— Hélas non. Et je n’y suis pour rien. Je
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suis restée à la porte, dehors, avec l’expression la plus affable possible, mais Peter s’est tout simplement éloigné à grands pas sans jeter un regard dans ma direction. Cela consolerait ma vanité mon orgueil blessé si je pensais que c’était une question de mépris rancunier ou de fierté. Mais la vérité vraie, chère Louison, c’est qu’il m’a regardée exactement comme s’il ne me voyait pas. Il était plus intéressé à parler de la moisson avec Oliver Sloane, qui, soit dit en passant, est plus lui-même que jamais. »
— Si tu éprouves ce que tu prétends avoir éprouvé l’autre soir, pourquoi ne vas-tu pas toi-même lui parler?
— Mais je n’ai plus les mêmes
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sentiments. C’était juste une saute d’humeur. Tu ne connais rien des sautes d’humeur, ma chérie. Tu ne sais pas ce que c’est que de passer une heure à languir désespérément de quelque chose dont tu ne voudrais pas si on te l’offrait une heure plus tard.
— Mais c’est de la folie, protesta Louisa.
— Justement, de la folie pure et simple. Mais oh! C’est si délicieux d’être folle après avoir été obligée d’être constamment sensée pendant vingt ans. Eh bien, je vais cueillir des fraises cet après-midi, Lou. Ne m’attend pas pour le thé. Je reviendrai probablement très tard. Il ne me reste plus que quatre jours à passer ici et je veux en profiter au maximum.
La promenade de Nancy l’entraîna loin, cet
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après-midi là. Quand elle eut rempli son bol, elle continua à errer sans but. À un moment, elle se retrouva dans un sentier entourant un pré où un homme fauchait. C’était Peter Wright. Quand elle s’en aperçut, Nancy accéléra le pas sans lui accorder un regard, et fut bientôt engloutie dans les profondeurs vertes et semées de fougères de l’érablière.
D’après ses souvenirs, elle se trouvait sur la terre de Peter Morrison : elle calcula que si elle continuait tout droit, elle aboutirait à la vieille maison des Morrison. Ses calculs se révélèrent exacts, avec une légère différence. Elle aboutit à cinquante verges au sud de la maison Morrison aujourd’hui abandonnée,
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la touche finale, elle dévasta le vieux jardin à l’abandon et posa un énorme vase de roses rouges au centre de la table.
— À présent, je dois partir, dit-elle à voix haute. Pourtant ce serait amusant de voir l’expression de Peter quand il va rentrer. Hum. J’ai beaucoup aimé faire tout ceci, mais pourquoi? Nancy Rogerson, ne te pose pas de devinettes. Remets ton chapeau et retourne chez toi. Tu inventeras en chemin quelque mensonge pieux pour expliquer l’absence de fraises à Louisa.
Nancy s’arrêta un moment et jeta un regard mélancolique autour de la pièce. Grâce à elle, elle paraissait à présent joyeuse, propre et accueillante. Elle sentit de nouveau son cœur de serrer.
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d’un bahut antique et confisqua une serviette qu’elle y trouva. Elle fredonna une chanson en travaillant; ses pas étaient légers et ses yeux brillaient d’exaltation. Il était hors de doute que Nancy s’amusait. Elle tirait un immense plaisir du grain de malice que contenait cette aventure.
La vaisselle lavée, elle dénicha dans le même bahut une nappe propre, quoique jaunie et qui n’avait pas servi depuis longtemps, se mit à dresser la table et à préparer le thé pour Peter. Elle trouva du pain et du beurre dans le garde-manger, une excursion à la cave fournit un pichet de crème, et Nancy transvasa avec insouciance le contenu de son bol de fraises dans le plat de Peter. Le thé prêt, elle le garda au chaud. Et, pour mettre
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Ici, personne ne peut me voir.
Nancy entra, enleva son chapeau et saisit un balai. Elle commença par bien balayer la cuisine. Ensuite, elle alluma un feu, mit de l’eau à chauffer dans la bouilloire, et s’attaqua à la vaisselle. D’après le nombre d’assiettes, elle conclut que Peter ne l’avait pas lavée depuis une semaine.
— Je présume qu’il utilise la vaisselle propre tant qu’il y en a, puis la lave d’un seul coup, dit-elle en riant. Je me demande où il range ses torchons, si jamais il en a.
Évidemment, Peter n’en n’avait pas. Du moins, Nancy n’en trouva pas. Elle alla alors effrontément dans le boudoir poussiéreux, fouilla dans les tiroirs
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des plus appétissants.
— Quelle misérable demeure pour un être humain! grommela Nancy. Regardez-moi les cendres sur le poêle! Et quelle table! Comment s’étonner étonner que Peter ait grisonné? Il passe l’après-midi à peiner aux foins et quand il rentre, c’est vers ceci! ceci!
Une idée germa soudain dans l’esprit de Nancy. Elle commença par avoir l’air atterrée. Puis elle éclata de rite et consulta sa montre.
— Je vais le faire, juste pour le plaisir de la chose et pour manifester un peu de compassion. Il est deux heures et demie et Peter ne rentrera pas avant quatre heures, au plus tôt. Je dispose d’une bonne heure et j’aurai le temps de m’échapper avant son retour. Personne n’en saura rien;
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Et si elle habitait ici, et si elle était en train d’attendre Peter pour le thé. Et si… Nancy fit volte-face avec l’horrible pressentiment de ce qui l’attendait. Peter Wright était à la porte.
Nancy rougit violemment. Pour la première fois de sa vie, elle était incapable de prononcer un mot. Peter la regarda, puis regarda la table avec ses fruits et ses fleurs.
— Merci, dit-il poliment.
Nancy retrouva ses esprits. Avec un rire timide elle tendit la main.
— Ne me fais pas arrêter pour violation de domicile, Peter, C’est seulement une impertinente curiosité qui m’a fait venir regarder dans la cuisine. J’ai pensé qu’il serait amusant d’entrer préparer ton thé. Je me suis dit
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que tu serais étonné… et je voulais m’en aller avant ton retour, bien entendu.
— Je ne suis pas surpris, répondit Peter en lui serrant la main. Quand je t’ai vue passer dans le champ, j’ai attaché les chevaux et je t’ai suivie dans les bois. J’étais assis sur la clôture, là-bas, à te regarder aller et venir.
— Pourquoi n’es-tu pas venu me parler à l’église, hier, Peter? demanda hardiment Nancy.
— J’avais peur de faire une faute de grammaire, répliqua sèchement Peter.
Le rouge monta de nouveau aux joues de Nancy. Elle lui retira la main.
— Tu es cruel, Peter.
Peter éclata soudain de rire.
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perspective de bousculer Ludovic Speed l’amusait et il savait pouvoir compter sur Theodora Dix pour tenir son rôle. Quel que soit le résultat, la comédie ne serait pas ennuyeuse.
Le rideau se leva sur le premier acte après l’office religieux du jeudi soir suivant. La lune brillait quand les gens sortirent de l’église et tous tout le monde put voir ce qui se passa. Arnold Sherman se trouvait sur le parvis près de la porte et Ludovic Speed était, comme il l’était depuis des années, appuyé sur la clôture dans un coin du cimetière. Les gamins disaient qu’il avait usé la peinture de l’endroit en question. Ludovic ne voyait aucune raison pour
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marchait joyeusement dans le sentier de la forêt. C’était un beau matin d’automne, clair, cristallin et ensoleillé; les fougères givrées, détrempées et battues par l’averse de la veille exhalaient un parfum délicieux; ça et là, dans les bois, un érable agitait une bannière écarlate, et l’or pâle d’une branche de bouleau se détachait contre les épinettes sombres et immobiles. L’air était pur et vivifiant. Sylvia marchait d’un pas léger et la tête haute.
Elle fit une pause au bouleau du vallon, mais il n’y avait rien pour elle au milieu des vieilles racines grisâtres. Elle était sur le point de poursuivre son chemin quand le petit Teddy Kimball, qui vivait dans la maison voisine du