Pages versos
Ces pages versos, qui semblent être des brouillons aléatoires en désordre, sont des ébauches des premiers poèmes et nouvelles de L.M. Montgomery. Quelques-uns de ces textes étaient déjà publiés lorsqu’elle a rédigé Anne en 1905 et 1906; d’autres ont probablement été dactylographiés et conservés ailleurs. Certains brouillons sur des versos montrent ses premières expérimentations : « A Baking of Gingersnaps » (Les biscuits au gingembre) a été sa première nouvelle publiée; elle mettait alors à l’essai les noms de plume Maud Cavendish et Maud Eglinton. Après le chapitre 15, elle comment à écrire Anne au recto et au verso. Pourquoi est-elle passée de feuilles de brouillon à des feuilles vierge?
Cliquer ici pour voir un index du contenu des versos ou explorer ci-après toute les collection des versos.
20617 22
un frère au Manitoba? Et bien, nous allons lui écrire et lui dire qu’il doit s’occuper de son neveu. »
– Mais comment feras-tu, Ma, quand personne ne connaît son adresse? protesta Pa en jetant un regard triste sur le ravissant bambin qui riait aux éclats.
– Je vais trouver son adresse, même s’il faut publier un avis de recherche dans le journal, rétorqua Ma. Quant à toi, Pa Sloane, tu devrais être interné dans un asile psychiatrique. Au prochain encan, tu vas acheter une femme, je suppose?
Écrasé par le sarcasme de Ma, Pa tira sa chaise vers
616671 21
des chaises afin qu’il ne tombe pas et lui avait donné un biscuit à la mélasse.
– À présent, Pa Sloane, explique-toi », dit-elle.
Pa expliqua. Ma l’écouta jusqu’à la fin dans un silence consterné. Puis, elle dit sévèrement :
– Est-ce que tu penses qu’on va garder ce bébé?
– Je… je sais pas, répondit Pa. Et c’était vrai.
– Eh bien non. J’ai élevé un garçon et ça suffit. Je n’ai pas l’intention de me faire empoisonner la vie par un autre. De toute façon, je n’ai jamais été attirée par les enfants en tant qu’enfants. Tu as dit que Mary Garland avait un
304615 20
arrivait dans la cour au coucher de soleil. Son visage, quand elle aperçut le bébé exprima un paroxysme de stupéfaction.
– Pa Sloane, demanda-t-elle, qui est cet enfant et où l’as-tu pris?
– Je… je… l’ai acheté à l’encan, Ma, répondit faiblement Pa. Puis, il attendit l’explosion. Elle ne vint pas. Ce dernier exploit de Pa avait eu raison de Ma.
Poussant un cri étranglé, elle arrache le bébé des bras de Pa et lui ordonna de rentrer la jument. Lorsque Pa revint dans la cuisine, Ma avait installé le bébé sur le canapé et l’avait entouré de
61428 19
– Absolument pas, répondit Robert Lawson. On n’aura pas trop de cet argent pour payer les dettes. Il y a la facture du médecin et ceci servira juste à la couvrir.
Pa Sloane revint chez lui avec la jument alezane pas encore ferrée, le bébé et le maigre balluchon contenant ses vêtements. Le bébé ne le dérangea pas beaucoup; il s’était habitué aux étrangers au cours des deux derniers mois et il s’endormit rapidement contre son bras. Mais Pa Sloane n’apprécia pas la randonnée; au bout, il voyait mentalement Ma Sloane.
Ma était là, l’attendant à la porte arrière au moment où il
61244 17
ne craignant pas le regard de Ma Sloane; il oublia quel était l’objet de la mise; il oublia tout sauf sa détermination de ne pas laisser John Clarke gagner encore une fois.
– Dix, cria-t-il d’un ton perçant.
– Quinze, hurla Clarke.
– Vingt, vociféra Pa.
– Vingt-cinq, renchérit Clarke
– Trente, tonna Pa. Son hurlement faillit lui faire éclater un vaisseau sanguin, mais il avait gagné. Haussant les épaules, Clarke se détourna en riant et l’encanteur poussa le bébé
610 15
éclata de rire devant les hommes et agita ses mains de plaisir. Pa Sloane songea qu’il n’avait jamais vu de bébé aussi ravissant.
– Un bébé à vendre, cria l’encanteur. Un article authentique, presque flambant neuf. Un vrai bébé vivant, garanti pour marcher et parler un peu. Qui mise? Un dollar? Est-ce que j’ai entendu quelqu’un d’assez radin pour miser un dollar? Non, monsieur, les bébés valent plus cher que ça, spécialement la marque aux cheveux frisés.
La foule rit de nouveau. Pa Sloane, pour continuer la plaisanterie, cria : « Quatre dollars! »
Tout le monde le regarda. La foule eut l’impression
60921 14
journée chaude pour le mois d’octobre.
– Il ne reste plus rien à vendre que le bébé.
Un rire monta dans la foule. La vente avait été morne, et les gens avaient envie de rigoler un peu. Quelqu’un cria : – Montre-le Jacob. La blague fut appréciée et la demande réitérée de façon hilarante.
Jacob Blair prit le petit Teddy Garland des bras de Martha et l’installa sur la table, près de la porte, le tenant avec une de ses grandes mains basanées. Le bébé avait une tignasse blonde frisée, un visage rose et blanc et de grands yeux bleus. Il
60666 11
l’autre, l’un de tuberculose et l’autre d’une pneumonie, ils ne laissaient rien d’autre que des dettes et quelques meubles. La maison était louée.
Les enchères sur les divers articles ménagers en mauvais état mis en vente n’étaient pas vives, mais elles étaient empreintes d’une détermination résignée. Les habitants de Carmody savaient que ces objets devaient être vendus pour payer ^les dettes et qu’ils ne pourraient vendus à moins d’être achetés. C’étaient malgré tout une affaire ennuyeuse.
Une femme sortit de la maison en portant un bébé d’environ dix-huit mois dans les bras, et
20605 10
de la maison des Garland derrière la colline était déjà bondée. L’encan avait évidemment commencé. Pour ne pas en manquer davantage, Pa se hâta. La jument alezane devrait attendre la fin de la vente pour se faire ferrer.
Ma ne s’était pas trompée quand elle avait qualifié de « trou minable » l’encan Garland. Il était certainement très misérable surtout quand on le comparait au gros encan Donaldson qui avait eu lieu un mois auparavant et qui faisait encore vivre des rêves béats à Pa.
Horace Garland et sa femme avait été très pauvres. Lorsqu’ils étaient décédés à six semaines d’intervalle l’un de
59819 3
tout son visage. Elle se demandait si ce troisième échec clouerait le bec de Pa. Mais ce n’était pas facile de clouer le bec de Pa.
– Et bien, en tous cas, dit-il, s’illuminant sous l’influence d’une inspiration soudaine, il faut que j’aille faire ferrer la jument alezane. Alors, si tu as des petites courses à me faire faire au magasin, Ma, écris-le moi sur un bout de papier pendant que j’attèle.
Faire ferrer la jument alezane n’était pas du ressort de Ma, même si elle doutait de la nécessité de le faire.
– Pourquoi n’arrêtes-tu pas de tourner
21048 51
sans vergogne et tous ses airs compassés et réservés avaient complètement disparu. Elle l’embrassa au moins une douzaine de fois et lui dit qu’elle l’aimait – et je n’avais même pas envie de sourire. D’une certaine façon, la situation ne me paraissait plus cocasse et c’est pareil aujourd’hui, même si elle en fera indubitablement sourire d’autres. L’intensité des sentiments était si réelle qu’il n’y avait plus de place pour le ridicule. Ils étaient si proches l’un de l’autre que je ne me suis même pas sentie de trop.
Je les laissai en sécurité dans la cour de tante Olivia et repris le chemin de la maison, complètement oubliée par le couple. Mais dans la lumière que le lune qui tombait sur le devant de la maison, je
20979 50
peu. M. MacPherson l’entoura de son bras et la tira dans l’ombre.
– Allons, allons, dit-il d’un ton apaisant. Bien sûr que je ne pars pas. Pleure pas petite Nillie.
– Et vous allez revenir avec moi à présent? implora tante Olivia, s’accrochant à lui comme si elle craignait qu’il ne disparut si elle le laissait un instant.
– Bien sûr, bien sûr, dit-il.
Peggy rentra à la maison avec une amie tandis que tante Olivia, M. Malcolm MacPherson et moi-même revînmes en boghei. M. MacPherson tenait tante Olivia sur ses genoux parce qu’il n’y avait pas de place quoique, à mon avis, elle se fût assise sur lui même s’il y avait eu une douzaine de sièges vides. Elle s’accrochait à lui
1895 20
sont comme des épines dans son cœur, elle est incapable de sortir de sa petite routine étroite, et cela la tue que l’on l’en arrache ainsi.
– C’est insensé! s’écria Peggy. As-tu déjà vu rien de plus drôle que tante Olivia assise que les genoux de M. Malcolm MacPherson? ajouta-t-elle en riant.
C’était en effet très amusant. Tante Olivia trouvait in très inconvenant d’être dans cette posture devant nous, mais il l’y obligeait. Il disait avec un gros rire joyeux : – T’occupes pas des fillettes, la faisait asseoir sur ses genoux et l’y maintenait. Jamais, jusqu’à mon dernier jour, je n’oublierai l’expression sur le visage de l’infortunée petite femme.
1901 31
Mais, à mesure que le temps passait, M. Malcolm MacPherson commença à insister pour fixer la date du mariage et tante Olivia commença à avoir l’air étrangement perturbée. Elle devint très calme et ne riait jamais sauf quand elle y était forcée. En outre, elle montrait des signes d’énervement quand l’un de nous, surtout papas, la taquinait à propos de son amoureux. J’avais pitié d’elle car je croyais comprendre mieux que les autres ce qu’elle éprouvait réellement. Et même alors, je n’étais pas préparée à ce qui arriva. Je n’aurais jamais cru tante Olivia capable de le faire. Je pensais que son désir abstrait du mariage compenserait
1912 32
pour les inconvénients concrets. Mais on ne peut jamais présumer de rien avec le célibat véritable et authentique.
Un matin, M. Malcolm MacPherson nous confia qu’il irait ce soir-là fixer la date du mariage avec tante Olivia. Peggy et moi l’approuvâmes en riant, lui disant qu’il était plus que temps qu’il affirme son autorité, et il partit de grande très bonne humeur à travers le champ de la rivière, sifflotant une danse écossaiseMais tante Olivia avait l’air d’une martyre. Elle avait eu une attaque féroce de ménage ce jour-là et avait mis de l’ordre partout, même dans les coins.
1938 34
– Peg, il y a des problèmes dans l’air, dis-je. J’en suis sûre, juste à voir le visage de tante Olivia. Il était gris. Et elle est descendue seule et a fermé la porte.
– Je vais aller écouter ce qu’elle lui dit, décida Peggy résolument. C’est sa propre faut… elle nous a gâtées à force d’insister pour que nous assistions à tous leurs entretiens. Le pauvre homme a été obligé de lui faire la cour sous nos yeux. Viens Mary.
La pièce du sud-ouest se trouvait directement au-dessus du salon et un trou avait été aménagé pour le tuyau du poêle. Peggy retira la boîte à chapeau posée dessus, et nous nous
1943 35
délibérément et sans honte pour entendre tout ce que nous pouvions
C’était assez facile d’entendre ce que M. Malcolm MacPherson disait.
– J’suis venu pour fixer la date, Nillie, comme j’te l’ai dit. Allons, petite femme, dis-moi le jour.
Smack!
– Arrêtez, M. Malc MacPherson, coupa tante Olivia. Son ton était celui d’une femme résolue à accomplir une tâche désagréable et pressée d’en avoir terminé. Il faut que je vous dise quelque chose. Je ne peux pas vous épouser, M. Mac
19529 36
Pherson.
Il y eut une pause. J’aurais donné beaucoup pour les voir tous les deux. Quand M. Malcolm MacPherson reprit la parole, sa voix exprima la plus pure stupéfaction.
– Qu’est-ce que tu veux dire, Nillie? demanda-t-il.
– Je ne peux vous épouser, M. MacPherson, répéta tante Olivia.
– Pourquoi pas? La surprise se changeant en consternation.
– Je ne pense pas que vous puissiez comprendre, M. MacPherson, dit tante Olivia d’une voix faible. Vous ne savez pas ce que cela signifie pour une femme de renoncer à tout… à sa maison, à ses amis et à toute sa vie passée, pour ainsi
20891 49
la pénombre; tante Olivia bondit du boghei et courut le long de la plate-forme, sa cape volant derrière elle et toutes ses broches et chaînettes scintillant dans la lumière. Je jetais les rênes à un gamin qui se trouvait à proximité et nous lui emboitâmes le pas. Juste sous la lumière d’un lampadaire, nous aperçûmes M. Malcolm MacPherson, sa valise à la main. Il n’y avait heureusement personne aux alentours, mais cela aurait été la même chose s’il y avait eu foule. Tante Olivia se rua pratiquement sur lui.
– Malcolm, cria-t-elle, ne partez pas… ne partez … je veux vous épouser… je vous suivrai n’importe où… et je me fiche des traces de boue!
Cette touche caractéristique de tante Olivia allégea la tension de la situation