Pages versos

Ces pages versos, qui semblent être des brouillons aléatoires en désordre, sont des ébauches des premiers poèmes et nouvelles de L.M. Montgomery. Quelques-uns de ces textes étaient déjà publiés lorsqu’elle a rédigé Anne en 1905 et 1906; d’autres ont probablement été dactylographiés et conservés ailleurs. Certains brouillons sur des versos montrent ses premières expérimentations : « A Baking of Gingersnaps » (Les biscuits au gingembre) a été sa première nouvelle publiée; elle mettait alors à l’essai les noms de plume Maud Cavendish et Maud Eglinton. Après le chapitre 15, elle comment à écrire Anne au recto et au verso. Pourquoi est-elle passée de feuilles de brouillon à des feuilles vierge?

Cliquer ici pour voir un index du contenu des versos ou explorer ci-après toute les collection des versos.

498 572

Chapitre 31 Où le ruisseau et la rivière se rencontrent.

Anne eut son « bel » été et l’apprécia de tout cœur. Anne et Diana le passèrent en grande partie en plein air, profitant de tous les délices que leur procurèrent le Chemin des amoureux, la Source des Fées, le Lac des saules et l’Île Victoria[.] Marilla ne s’opposa pas à la vie d’errance de gitane d’Anne. En effet, le médecin de Spencervale, qui avait accouru auprès de Minnie May la nuit où elle avait failli mourir du croup, avait rencontré Anne chez un de ses patients, un après-midi, au tout début des vacances. Il l’avait bien observée, avait hoché la tête, esquissé une légère grimace, et avait fait parvenir, . par un intermédiaire, le message suivant à Marilla Cuthbert : — Veillez à ce que cette fille rousse que vous gardez chez vous profite le plus possible du plein air tout l’été et ne touche à aucun livre tant que sa démarche n’aura pas acquis un peu plus d’allant. Ce message terrifia Marilla au plus haut point. Elle y lu
Verso en mode plein écran

500 574

exaltant de prononcer de splendides sermons qui font vibrer le cœur de ceux qui vous écoutent! Pourquoi les femmes ne peuvent-elles pas devenir pasteur, Marilla? J’ai posé la question à Mme Lynde; elle s’est fâchée, en disant que ce serait scandaleux. Elle a ajouté qu’il était possible qu’il y ait des femmes pasteurs aux États, qu’en fait elle était sûre qu’il y en avait, mais que, grâce à Dieu, nous n’en étion[s] encore pas encore là au Canada, et qu’elle espérait bien que nous n’y arriverions jamais. Mais, je ne vois toujours pas pourquoi. Je pense que les femmes feraient des pasteurs absolument remarquables. Quand il s’agit d’organiser une réception, un thé ou une quelconque activité sociale pour obtenir de l’argent pour l’église, c’est aux femmes qu’on demande de faire le travail. Et il me semble que Mme Lynde est tout aussi apte à prier que M. le surintendant Bell, et qu’avec un peu de pratique, elle arriverait à prêcher aussi bien.

— Oui, je pense qu’elle le pourrait, répliqua Marilla sèchement. Elle prêche déjà bien suffisamment comme ça. En fait, personne ne peut

Verso en mode plein écran

502 576

Je crois parfois qu’elle exercerait une plus grande influence bénéfique sur les gens, ^comme tu dis, si elle ne passait pas son temps à les harceler pour qu’ils agissent comme il faut. Il devrait y avoir un commandement spécial contre le harcèlement. Mais qu’est-ce que je dis là? Rachel est bonne chrétienne, et elle a d’excellentes intentions. Il n’y a personne de plus dévoué dans tout Avonlea. » et elle ne se défile jamais devant sa part de travail[.]

— Je suis heureuse que tu penses comme moi, fit Anne. Ça m’encourage, je ne me ferai plus de souci à partir de maintenant. Mais je sais bien qu’il surgira plein d’autres choses pour me tracasser, de ces problèmes, tu sais, qui vous rendent toujours perplexe. Il y en a de nouveaux sans arrêt. On en résout un, en voilà un autre qui surgit. Il y a tant de choses à penser et à décider quand on commence à grandir. C’est Ça me prend tout mon temps rien que pour y réfléchir

Verso en mode plein écran

504 578

obséder Anne sans arrêt, même le dimanche après-midi. Elle n’arrivait plus à réfléchir à autre chose, même à de grandes questions morales ou théologiques. Quand il lui arrivait de faire des cauchemars, elle se voyait, désespérée, cherchant en vain à lire son nom sur les listes d’élèves reçus à l’examen d’entrée. [sic] tout en haut, en grosses lettres, était affiché celui de Gilbert Blythe, mais le sien ne s’y trouvait pas.

Ce fut, malgré tout, un hiver joyeux, occupé et qui passa vite comme d’un coup d’aile. Les travaux scolaires étaient aussi captivants qu’avant, les rivalités en classe aussi prenantes. Sous les yeux d’Anne, admirative et passionnée, des champs de connaissances frai,s, fascinants et encore inexplorés ouvraient des brèches à ses pensées, ^à ses sentiments, à ses ambitions.

Des collines apparaissent au-dessus des collines, et les Alpes

Verso en mode plein écran

506 580

y eut aussi des courses en traîneau et quantité de sorties en patins.

Durant ce temps, Anne grandissait. Elle poussait si vite, en fait, qu’un beau jour Marilla, stupéfaite, constata, tandis qu’elles se trouvaient côte à côte, qu’Anne était désormais plus grande qu’elle.

— Mon Dieu, Anne, que tu as grandi! dit-elle, sans trop y croire. Puis elle soupira. Marilla regrettait, étrangement, ces pouces supplémentaires. D’une certaine manière, l’enfant qu’elle avait aimé appris à aimer avait disparu; ^et voilà que surgissait à sa place cette grande fille de quinze ans, l’air réfléchi, les traits posés, l’allure fière. Cette jeune fille-là, Marilla l’aimait autant qu’elle avait aimé l’enfant, mais, en son for intérieur, elle en éprouvait un étrange ^et douloureux sentiment de

Verso en mode plein écran

508 582

de Carmody sera prête à entrer en service.

— Mais ce ne sera pas la même chose que si elle de l’avoir ici, près de nous, tout le temps! fit Marilla avec un soupir lugubre, S17 Mais les hommes sont incapables de comprendre ces choses!

Anne changeait véritablement, en tous points. Pour commencer, elle devenait plus calme. Elle n’en pensait peut-être pas moins, elle rêvait sans doute toujours autant, mais elle parlait incontestablement moins. Marilla en prit conscience et le lui fit remarquer.

— Tu ne bavardes plus comme autrefois, Anne, et tu n’utilises plus autant de grands mots. Qu’est-ce qui t’arrive?

Anne rougit et eut un petit rire, abandonnant son livre et laissant errer un regard rêveur au-delà de la vitre où de

Verso en mode plein écran

510 584

meilleurs et plus expressifs. Elle veut que nous écrivions nos compositions dissertations le plus simplement possible. C’était difficile, la première fois. J’avais tellement l’habitude de faire étalage de tous les ^beaux grands mots qui me traversaient l’esprit, et ils étaient nombreux, je peux te dire! Mais je m’y suis habituée, à présent, et je me rends compte que ça donne de meilleurs résultats.
T17

—  Il ne te reste plus que deux mois avant l’examen d’entrée, dit Marilla. Penses-tu que tu réussiras?

Anne réprima un frisson.

— Je ne sais pas. Parfois, j’ai l’impression que tout se passera bien, et soudain je me sens en proie à une terrible panique. Nous avons beaucoup étudié, Mlle Stacy n’a rien négligé pour nous préparer, mais, malgré tout, personne n’est assuré de réussir. Nous avons tous un domaine vulnérable. Pour moi, comme toujours, c’est la géométrie; pour Jane, le latin et

Verso en mode plein écran