Les racines et les branches de l’arbre généalogique : les familles de L.M. Montgomery
Les racines et les branches de l’arbre généalogique : les familles de L.M. Montgomery
Mary Beth Cavert
Lorsque L. M. Montgomery reçut l’exemplaire du livre Anne… la maison aux pignons verts (Anne of Green Gables) de la part de son éditeur, elle écrivit : « Sur la page de dédicace figurait l’inscription “À la mémoire de mon père et de ma mèreˮ. Oh, s’ils étaient encore en vie, comme ils seraient heureux et fiers. Quand je pense à la façon dont les yeux de mon père auraient brillé! » 1

"« À la mémoire de mon père et de ma mère ». Page de dédicace du roman Anne of Green Gables.
Les parents de Montgomery n’ont jamais pu lire Anne of Green Gables ni même savoir que leur fille remportait un immense succès comme autrice, mais d’autres membres de la famille, oui. Dans le nom même de sa mère « Clara Woolner Macneill Montgomery », on voit les trois familles qui furent importantes dans l’identité et l’éducation de l’autrice.

La grand-mère maternelle de Montgomery, Lucy Ann Macneill (née Woolner).
Les Woolners
Lucy Maud Montgomery grandit chez ses grands-parents maternels, Lucy et Alexander Macneill. Lucy Ann Woolner (1824-1911) naquit en Angleterre et immigra avec ses parents, Robert et Sarah « Sally » Kemp, à North Rustico, à l’Île-du-Prince-Édouard en 1836 2. Le 16 janvier 1843, elle épousa Alexander Marquis Macneill (1820–1898) qui habitait non loin, à Cavendish. Ils vécurent à North Rustico,Î.-P.-É., durant les premières années de leur mariage.
Il y eut plusieurs mariages entre les familles Macneill et Woolner. Margaret Rachael Woolner et Franklin Pierce Macneill, les voisins de Lucy Maud Montgomery à Cavendish, étaient mariés. Ils adoptèrent un garçon d’un orphelinat. Cependant, ils finirent avec la jeune sœur du garçon, car ce dernier fut confié à une autre famille. Montgomery consigna cet événement dans son carnet d’idées en 1892 et l’utilisa comme point de départ de l’intrigue d’Anne of Green Gables. 3
Les Woolner faisaient partie des premiers colons de la région de Rustico. Il étaient intelligents et travaillants. L’arrière-grand-mère de Lucy Maud Montgomery, Sally Woolner, grandit près du palais de Buckingham en Angleterre. Elle était infirmière et sage-femme à l’Île-du-Prince-Édouard. Les compétences de grand-mère Woolner et quelques fournitures médicales ont été transmises à sa petite-fille, Tillie MacKenzie (Houston), la cousine bien-aimée de Montgomery, à qui l’autrice a dédié le roman Chronicles of Avonlea (Chroniques d’Avonlea 1) en 1912.
Clara Woolner Macneill naquit le 5 avril 1853 dans la maison des Macneill à Cavendish et elle y épousa Hugh John Montgomery le 4 mars 1874. Leur unique enfant, Lucy Maud Montgomery naquit le 30 novembre 1874. Elle fut prénommée Lucy d’après sa grand-mère et Maud d’après la princesse Maud de Galles. Clara mourut dans la maison de ses parents le 14 septembre 1876. Montgomery n’avait aucun souvenir de sa mère 4. Comme son père travaillait souvent à l’extérieur, la petite Maud fut confiée à ses grands-parents Macneill et à sa tante Emily Macneill.

La page de dédicace des Chronicles of Avonlea : « À la mémoire de ma chère amie, Mme William A. Houston, qui nous a quittés. »

Clara Woolner Macneill Montgomery.
John et Margaret Macneill, les grands-parents d’Alexander, s’établirent sur le Lot 24. Les Macneill furent donc parmi les premiers colons de Cavendish. Durant l’enfance de Montgomery, on pouvait compter 10 familles de Macneill au sein de cette communauté 5. William, le fils de John, a d’ailleurs été président de l’Assemblé législative et magistrat au sein de sa communauté. Quelques années après leur mariage, Alexander et Lucy Macneill quittèrent North Rustico pour s’installer sur la propriété familiale des Macneill afin de cultiver la terre et d’aider William et Eliza, les parents de Lucy.

Croquis de Cavendish tiré de l’ouvrage de Harold Simpson, Cavendish: Its History, Its People, publié en 1973.
Chez les Macneill, de l’âge de deux ans à l’âge de huit ans, Montgomery a principalement élevée par sa tante Emily. Elle se souvient de son enfance comme étant parfois difficile car elle vivait et travaillait au sein d’un foyer de parents plus âgés dont les attentes ne correspondaient pas tout à fait à ses besoins d’affection et d’encouragement. Néanmoins, elle aimait sa maison et admirait le talent intellectuel des membres de sa famille. Elle les respectait et les aimait et fut en deuil lors de leur décès.

Carte postale envoyée à Lucy Maud Montgomery par la tante Mary Macneill Lawson le 31 mai 1910.
Mary, la sœur du grand-père de Lucy Maud Montgomery, était une grande admiratrice de sa petite-nièce. Tante Mary Eliza Townsend Macneill Lawson (1825-1912) vécut assez longtemps pour lire les cinq premiers livres à succès de Montgomery. En 1913, l’autrice lui dédia d’ailleurs son livre The Golden Road (La Route enchantée), car il contenait des histoires et des anecdotes que sa grand-tante lui avait racontées.

La page de dédicace du roman La Route enchantée (The Golden Road) : « En mémoire de tante Mary Lawson, qui m’a raconté plusieurs des histoires répétées dans ce livre par la conteuse. »
Lucy et Alexander eurent six enfants et chacune de leurs trois filles se maria avec un des petits-fils de Donald et Nancy Penman Montgomery. Clara avec Hugh John; Annie avec John Campbell, le fils d’Elizabeth Montgomery; et Émily avec John M. Montgomery. Les maris étaient donc tous des cousins germains.

Hugh John Montgomery.
Les Montgomery
Le père de Lucy Maud Montgomery, Hugh John Montgomery (1841-1900), était le fils aîné de Donald et Anne Morry Montgomery. Il était censé prendre la relève de la ferme de ses parents et du magasin général de Park Corner, acquis de la tante de Donald, Jane Penman Townsend 6. Cependant, Hugh John était plus intéressé par le secteur maritime, bien qu’il ait fait naufrage Îles-de-la-Madeleine en 1864. Il commença cependant à travailler sur la terre ferme après son mariage avec Clara Macneill en 1874.
Donald Montgomery fit carrière en politique et devint sénateur du Canada à Ottawa. Le Sénateur Montgomery finança alors l’achat d’un magasin pour son fils. Le magasin portait le nom de Clifton House et était établi dans la municipalité de Clifton, aujourd’hui appelée New London. Il fit aussi construire une petite maison pour son fils et sa bru dans la même municipalité. Par contre, comme la prospérité de la région tirait à sa fin, l’économie commença à décliner rapidement après 1875, en grande partie à cause du déclin du marché de la construction maritime 7. Le magasin de Montgomery fit faillite peu après la naissance de Lucy Maud Montgomery.
John quitta l’Île-du-Prince-Édouard après la mort de sa femme Clara pour aller travailler comme commis à Boston. Il occupa cependant d’autres emplois sur l’Île, vivant probablement à Park Corner durant les cinq années suivantes. Montgomery se souvient l’avoir vu fréquemment jusqu’en 1883, soit à partir du moment où il commença à partager son temps entre l’Île-du-Prince-Édouard et les Territoires du Nord-Ouest. En 1884, il se fiança avec la chère cousine de Maud, Tillie MacKenzie. Il déménagea ensuite dans l’Ouest canadien.

Senator Donald Montgomery.
Tout comme sa fille, le père de Montgomery était ambitieux et faisait plusieurs choses en même temps. Par contre, il ne s’est jamais découvert un talent comme sa fille l’a fait avec l’écriture. Il occupa plusieurs emplois et se remaria en 1887 8. Montgomery alla vivre avec lui et sa famille à Prince Albert en 1890, mais n’y resta qu’un an. C’est à cet endroit qu’elle rencontra des camarades de classe avec qui elle lia une amitié qui dura toute sa vie et qu’elle y publia ses premiers poèmes et essais. Son cher père mourut le 16 janvier 1900, mais il put quand même assister aux débuts de la brillante carrière de sa fille.
Honneurs
Montgomery dédia plusieurs de ses livres à des membres de sa famille. Outre ses parents, sa cousine Tillie MacKenzie Houston et sa tante Mary Macneill Lawson, elle honora aussi d’autres personnes qui l’avaient encouragée dans son travail. Voici quelques exemples : Beatrice Alberta (Bertie) MacIntyre dans Kilmeny of the Orchard (Kilmeny du vieux verger), Stella Campbell dans Emily’s Quest (Émilie de la Nouvelle Lune 3), Alec et May MacNeill dans Pat of Silver Bush (Pat de Silver Bush) et Ernest et Myrtle Macneill Webb dans Mistress Pat (Mademoiselle Pat). Les livres The Story Girl (La Conteuse) et Rilla of Ingleside (Rilla d’Ingleside) 9 furent tous deux dédiés à sa cousine et meilleure amie Frederica « Frede » Campbell.

Kilmeny of the Orchard (Kilmeny du vieux verger) (1910), Emily’s Quest (Émilie de la Nouvelle Lune 3) (1925), Pat of Silver Bush (Pat de Silver Bush) (1933), Mistress Pat (Mademoiselle Pat) (1935), The Story Girl (La Conteuse) et Rilla of Ingleside (Rilla d’Ingleside)

1 Mary Rubio et Elizabeth Waterston, The Complete Journals of L. M. Montgomery: The P.E.I. Years, 1901–1911, sous la direction de Mary Rubio et Elizabeth Waterson, Oxford University Press, 2013, p. 192, 20 juin 1908. Retour
2 Mary Beth Cavert, North Rustico, Prince Edward Island: Landmarks and Home of L. M. Montgomery’s Woolner Family, The Shining Scroll, périodique de la L. M. Montgomery Literary Society, 2019, pp. 23–29. On peut consulter toutes les parutions du The Shining Scroll sur le site Internet de la L. M. Montgomery Literary Society. Retour
3 Mary Beth Cavert, Instead of a Boy: The Origin of the Orphan Girl Motif in Anne of Green Gables. The Shining Scroll, périodique de la L. M. Montgomery Literary Society, 2017, pp. 26–27. Retour
4 Mary Beth Cavert, To My Mother: Clara Woolner Macneill Montgomery. The Shining Scroll, périodique de la L. M. Montgomery Literary Society, 2020 , pp. 6-12. Retour
5 L. M. Montgomery’s Complete Journals: The Ontario Years, 1918–1921, sous la direction de Jen Rubio et Mary Rubio, Rock’s Mills Press, 2017, p. 201. 16 octobre 1919. Retour
6 Pour un résumé du déménagement de Montgomery de Malpeque à Park Corner, consultez: Carolyn Strom Collins, The Significance of “Ingleside” in Park Corner, P.E.I. , The Shining Scroll, périodique de la L. M. Montgomery Literary Society, 2015, pp. 21–22. Retour
7 Sous la direction de Francis W. P. Bolger, Canada’s Smallest Province: A History of Prince Edward Island, Nimbus Publishing, 1991, pp. 334–337. Retour
8 Francis W. P. Bolger, The Years Before Anne, The Prince Edward Island Heritage Foundation, 1974, pp. 8, 27, 63–78. Retour
9 Bertie était une cousine germaine de la famille Montgomery. Stella était une cousine germaine dans la famille des Macneill, mais une cousine au deuxième degré dans la famille Montgomery. Alec était un cousin au deuxième degré dans la famille des Macneill, et Myrtle Macneill était cousine au troisième degré. ‘Frede’ Campbell, la sœur de Stella, était une cousine germaine et une cousine au deuxième degré. Retour