Pages versos

Ces pages versos, qui semblent être des brouillons aléatoires en désordre, sont des ébauches des premiers poèmes et nouvelles de L.M. Montgomery. Quelques-uns de ces textes étaient déjà publiés lorsqu’elle a rédigé Anne en 1905 et 1906; d’autres ont probablement été dactylographiés et conservés ailleurs. Certains brouillons sur des versos montrent ses premières expérimentations : « A Baking of Gingersnaps » (Les biscuits au gingembre) a été sa première nouvelle publiée; elle mettait alors à l’essai les noms de plume Maud Cavendish et Maud Eglinton. Après le chapitre 15, elle comment à écrire Anne au recto et au verso. Pourquoi est-elle passée de feuilles de brouillon à des feuilles vierge?

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120707               48 et moi poussâmes un cri d’inquiétude. Tante Olivia était habituellement la plus timorée des femmes, mais voilà qu’elle semblait avoir oublié ce qu’était la peur. Elle continue à fouetter et à presser le pauvre Dick jusqu’à la gare, et nous avions beau l’assurer que nous avions tout notre temps, elle ne nous écoutait pas. Les gens que nous croisâmes ce soir-là ont sûrement cru que nous étions devenues folle Je retenais les rênes, Peggy agrippait le côté oscillant du boghei et tante Olivia se penchait vers l’avant, le chapeau et les cheveux rejetés en arrière de son visage figé aux joues étrangement rouges et maniait le fouet. C’est ainsi que nous traversâmes le village à toute allure et filâmes sur les quatre deux milles de route jusqu’à la gare. Quand nous y arrivâmes à la gare où le train manœuvrait dans
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la porte, mais je la rattrapai à temps, ayant soudainement visualisé tante Olivia courant tête nue et follement à travers les champs.

– Attendez un instant, tante Olivia. Peggy, cours vite à la maison demander à papa d’atteler Dick au boghei aussi vite que possible. Nous conduirons tante Olivia à la gare. Vous arriverez à temps, ma tante.

Peggy partit en courant et tante Olivia se rua à l’étage. Je m’attardai en bas pour ramasser son ouvrage et lorsque j’arrivai à sa chambre, elle avait déjà son chapeau et sa cape. Et Toutes les boîtes de présents que M. Malcolm MacPherson lui avait donnés étaient étalées sur le lit et tante Olivia les épinglait

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débordant de souffrance et d’émotion primitives.

– Que vais-je faire? s’écria-t-elle d’une voix terrible. Mary… Peggy… que dois-je faire?

C’était presque un hurlement. Peggy pâlit.

– Cela vous fait quelque chose? demanda-t-elle stupidement.

– Si ça me fait quelque chose! Je vais mourir si Malcolm MacPherson s’en va! J’ai été folle… je dois avoir été folle. J’ai failli mourir d’ennui depuis que je l’ai chassé. Mais je pensais qu’il allait revenir! Il fa faut que je le vois… si je marche à travers les champs, j’ai le temps d’arriver à la gare avant le départ du train.

Elle se précipita vers

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cousait comme s’il y en allait de sa vie et son visage était aussi fermé et glacial que toujours. Je me demandais si elle était au courant du départ de M. Malcolm MacPherson. La délicatesse m’interdisait d’en parler, mais Peggy eut moins de scrupules.

– Et bien, tante Olivia, votre amoureux s’en va, annonça-t-elle avec  bonne humeur. Il ne vous ennuiera plus. Il prend le train pour l’Ouest.

Tante Olivia laissa tomber son ouvrage et se leva. Je n’ai jamais rien vu de tel que la transformation qui s’opéra en elle. Ce fut une transformation si totale et si soudaine qu’elle semblait presque irréelle. La vieille fille s’estompa complètement pour laisser place à une femme

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balaya la boue que M. Malcolm MacPherson avait laissée dans l’escalier.

Peggy et moi revînmes à la maison et informâmes notre père. Nous nous sentions à plat, mais il n’y avait rien à faire ni à dire. Papa trouva la chose hilarante, mais moi, non. J’avais de la peine pour M. Malcolm MacPherson et pour tante Olivia, tout en étant furieuse contre elle. Il était clair qu’elle souffrait d’avoir vu s’évanouir tous ses espoirs et projets d’avenir, mais elle avait développé une étrange et déconcertante réserve que rien ne pouvait percer.

– Ce n’est rien d’autre qu’un cas chronique de vieille-fillisme », commenta mon père

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ne m’plaque pas comme ça!

– Je ne peux pas vous épouser, M. MacPherson, dit tante Olivia pour la quatrième fois.

– Nillie! s’exclama M. Malcolm MacPherson. Il y avait une telle souffrance dans sa voix que Peggy et moi fûmes soudain envahies de remords. Qu’est-ce que nous étions en train de faire? Nous n’avions pas le droit d’écouter cet entretien pitoyable. La douleur et la révolte de sa voix en avaient soudainement banni tout l’humour, ne laissant que la tragédie pure et cuisante. Nous nous levâmes et sortîmes de la pièce sur la pointe des pieds, totalement honteuses.

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– Tu plaisantes sûrement, Nillie. C’est vrai que j’suis pas très soigneux, l’Ouest est pas l’endroit idéal pour apprendra des manières raffinées, mais tu peux m’enseigner à le devenir. Tu vas quand même pas me planter là parce que je laisse des traces de boue chez toi!

– Je ne peux pas vous épouser, M. MacPherson, répéta tante Olivia.

– Tu penses pas vraiment c’que tu dis! s’exclama M. MacPherson qui commençait à prendre conscience qu’elle le pensait bien qu’il lui fût impossible de comprendre quoi que ce soit à cette énigme. Tu me brises le cœur, Nillie! J’ferai tout c’que tu voudras, j’irai n’importe où, j’serai c’que tu veux que j’sois, mais

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d’une certaine façon!

– Non, M. MacPherson, poursuivit fermement tante Olivia. Cela ne règlera pas le problème. Je savais que vous ne pourriez pas comprendre. Je n’ai pas la même façon de vivre que vous et je ne peux pas en changer. Parce que… vous laissez des traces de boue dans la maison…. et…. et… cela vous est égal que les choses soient en ordre ou non.

La pauvre tante Olivia ne pouvait être autre chose que tante Olivia; même si elle avait été sur le pont d’être condamnée au bûcher, je suis convaincue qu’elle aurait ajouté une note grotesque à la tragédie du moment.

– La démone! s’écria M. Malcolm MacPherson, sans vouloir profaner ou exprimer de la colère, mais simplement estomaqué. Puis il ajouta,

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racontait, quelle atmosphère rafraîchissante et non conventionnelle il apportait dans cette petite maison impeccable où la stagnation et l’ennui avaient régné pendant tant d’années! Il vénérait tante Olivia et exprimait cette adulation sous forme d’une foule de cadeaux. Il lui apportait un présent presque à chacune de ses visites, généralement un biz bijou. Bracelets, bagues, chaînettes, pendants d’oreilles, médaillons, gourmettes pleuvaient sur notre petite tante; elle les acceptait à contrecœur, mais ne les portait jamais. Il en était un peu vexé, mais elle l’assurait qu’un jour elle les porterait tous.

– Je ne suis pas habituée aux bijoux, M. MacPherson, lui disait-elle.

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sans avoir l’air de s’apercevoir qu’il faisait quelque chose de déplacé. Jamais il ne remarqua l’agitation  ni la nervosité de tante Olivia. Peggy et moi avons ri plus que notre saoul ce jour-là. C’était si amusant de voir tante Olivia rôder anxieusement, ramassant les tiges de fleurs et remettant de l’ordre et le suivant généralement à la trace pour remettre les choses en place.  Une fois, elle prit même une balayette et un porte-poussière pour balayer les cendres de cigare sous ses propres yeux.

« Allons, ne te donne pas cette peine, Nillie, protesta-t-il.  Ça ne me dérange pas une miette!! »

Comme il était bon et jovial, ce M. Malcolm MacPherson! Quelles chansons il chantait, quelles histoires il

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jamais s’adapter à l’existence d’une vieille fille, et même tante Olivia parut s’en apercevoir. Jamais il ne s’arrêtait pour essuyer ses bottes  avant d’entrer, même si, pour lui,  avec ostentation elle avait posé avec ostentation un nouveau paillasson devant chaque porte. Dans la maison, il bougeait rarement dans renverser un des trésors de tante Olivia. Il fumait des cigares dans son salon et laissait tomber des cendres sur son le plancher. Il lui apportait des fleurs chaque jour et les mettait dans le premier récipient venu. Il s’asseyait sur ses coussins et roulait ses appuie-tête en boules. Il mettait ses pieds sur les barreaux de chaises, et tout cela sans distraction

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entendu des baisers pareils? Imagine tante Olivia!

Nous fîmes rapidement connaissance avec M. Malcolm MacPherson. Il hantait pratiquement la maison de tante Olivia et cette dernière insistait pour que nous soyons présentes presque tout le temps. Elle paraissait très intimidée à l’idée de se retrouver seule avec lui. Il l’horrifiait une douzaine de fois par heure; elle était cependant très fière de lui et aimait bien être taquinée à son sujet. Elle était enchantée que nous l’admirions.

– Quoique, bien entendu, il a beaucoup changé, dit-elle. Il est terriblement imposant. Et je n’aime pas

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ses longues pattes et l’examinait sous toutes les coutures. Je vis le regard de tante Olivia errer par-dessus son bras jusqu’à la table renversée et les asters et verges d’or éparpillés sur le plancher. Ses boucles soyeuses étaient toutes décoiffées ébouriffées et son fichu de dentelle tire-bouchonné autour de son cou. La détresse était peinte sur son visage.

– T’as pas changé une miette, Nillie, dit M. Malcolm MacPherson avec admiration. Ça fait grand plaisir de te revoir. Et toi, t’es contente de me voir, Nillie?

– Oh! Bien sûr, répondit tante Olivia.

Elle se dégagea et alla redresser la table. Ensuite, elle se tourna pour ramasser les fleurs, mais M. Malcolm MacPherson l’avait déjà fait, laissant un amas de feuilles et de fleurs tiges sur le

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Tante Olivia se leva et s’avança avec raideur, la main tendue.

– M. MacPherson, je suis très heureuse de vous voir, remarqua dit-elle de manière formelle a.

– C’est vraiment toi, Nillie! s’exclama M. Malcolm MacPherson qui fut près d’elle en jeux enjambées. Il laissa tomber ses fleurs sur le sol, trébucha sur une table basse et envoya valser le canapé contre le mur. Puis, il prit tante Olivia dans ses bras et… smack, smack, smack! Peggy recula vers l’escalier enfonçant son mouchoir dans sa bouche. On embrassait tante Olivia!

Pour le moment, M. Malcolm MacPherson la tenait au bout de

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