La maison familiale
La maison familiale : La propriété familiale des grands-parents Macneill de Montgomery
Mary Beth Cavert
Montgomery a écrit les premières phrases de son roman Anne… la maison aux pignons verts dans la maison de son enfance qu’elle aimait tant, la ferme Macneill, à Cavendish, à l’Île-du-Prince-Édouard. La maison était entourée de vergers et de jardins qu’elle a décrits dans Anne pour le plus grand plaisir de ses lecteurs. Montgomery représentait la quatrième et dernière génération de la famille Macneill à vivre dans cette maison; celle-ci a été fermée après le déménagement de Montgomery en Ontario en 1911, et démolie en 1920 1. Les visiteurs ne peuvent voir aujourd’hui que la fondation et la cuisine 2.
La maison de Montgomery
La structure de la maison des Macneill comportait une lucarne centrale. Ce modèle simple bâti autour d’une cheminée centrale était très courant dans la campagne de l’île du Prince-Édouard durant la première partie des années 18003. Elle était recouverte de bardeaux, comme on peut le voir dans la section de la cuisine qui reste et sur une photographie des années 1890. La maison a été construite par l’arrière-grand-père de Montgomery, William Simpson (Speaker) Macneill, quelque temps après son mariage, en 1806.
Montgomery a vécu dans la propriété familiale avec ses grands-parents, Lucy et Alexander, à partir de 1876, après la maladie et le décès de sa mère. La ferme a été son foyer jusqu’en 1890, année qu’elle a passée avec son père à Prince Albert, dans ce qui allait devenir la Saskatchewan. Au cours des sept années suivantes, elle a poursuivi ses études et sa formation et, jusqu’à la mort de son grand-père, en 1898, a été institutrice dans trois écoles. Par la suite, elle a vécu à Cavendish avec sa grand-mère jusqu’au décès de celle-ci et son mariage avec Ewan Macdonald, en 1911.
« Et pourtant, c’est et ce sera toujours pour moi une terre sacrée... Cette vieille ferme est très éloquente 4. »
La maison des Macneill n’était pas simplement l’endroit où elle vivait, c’était une partie intime de sa vie émotionnelle et créative. Les maisons étaient un élément essentiel de son bien-être, et elle entretenait avec elles des liens importants, comme en témoigne l’abondance de photographies qu’elle a prises des endroits et des chambres où elle a vécu, ainsi que le nombre de maisons présentées presque comme des personnages dans sa fiction.
Le titre Anne… la maison aux pignons verts reflète les liens de Montgomery avec les lieux. Bien que le titre du livre soit semblable au très populaire Rebecca de Sunnybrook Farm (publié plus tôt, en novembre 1903), Montgomery et ses éditeurs acceptaient pleinement cette identité garante de succès. La moitié des titres de ses livres étaient formés du nom d’une personne et d’un nom de lieu : Anne… la maison aux pignons verts [Anne of Green Gables] (1908), Anne d’Avonlea (1909), Kilmeny du vieux verger (1910), Anne quitte son île (1915), Rilla d’Ingleside (1921), Emilie de la Nouvelle Lune (1923), Pat de Silver Bush (1933), Anne au Domaine des Peupliers (1936), Les Vacances de Jane [Jane of Lantern Hill] (1937), et Anne d’Ingleside (1939).
Les Macneill de Cavendish
La ferme Macneill se trouvait au centre de la communauté de Cavendish, à l’intersection d’un chemin est-ouest menant à sa parenté Woolner dans un sens et à sa parenté Montgomery dans l’autre, et d’un chemin nord menant à la côte et à la gare, dans la direction opposée. Son grand-père (et par la suite elle-même et sa grand-mère) gérait le bureau de poste à partir de la cuisine, ce qui faisait de la maison un endroit où entendre les nouvelles et les potins, si on s’y intéressait.
Intérieurs et extérieurs
C’était la vie extérieure de la ferme qui nourrissait pleinement Montgomery et l’a amenée à inclure cet aspect d’elle-même dans le récit d’Anne. Les lecteurs qui ont aimé Anne… la maison aux pignons verts dans leur jeunesse y reviennent à nouveau pour s’immerger dans les descriptions que donne l’autrice de la nature, notamment des jardins, des arbres et des vergers.
Montgomery chérissait ses jardins, et certains de ses livres préférés portaient sur les jardins 5. Elle a souvent partagé des conseils de jardinage avec son ami George Boyd MacMillan durant leur longue correspondance. Sa longue description d’un jardin idéal dans son journal, le 28 août 1901 se termine par cette phrase : « Chers vieux jardins! C’est une bénédiction de les respirer.6 »
Les arbres et les vergers d’Anne ont été inspirés des vergers des Macneill. Les parents d’Alexander avaient planté un verger devant la maison. Lucy et Alexander ont planté des pommiers derrière leur maison et leur ont donné les noms de leurs enfants. Ils formaient un endroit chéri que la jeune Montgomery avait appelé « la charmille ». La fenêtre de la chambre de Montgomery dans le pignon, où elle a écrit une bonne partie du roman Anne… la maison aux pignons verts, donnait sur cette vue magnifique.
« J’écris ici près de la fenêtre de ma chère vieille chambre. C’est pour moi un véritable petit refuge où je me repose et où je rêve, et la fenêtre donne sur un monde de merveilles et de beauté. Les vents m’apportent l’odeur du trèfle; le bruissement des feuilles me parvient des peupliers et les oiseaux voltigent joyeusement. En bas se trouvent un vieux verger de pommiers et une rangée de cerisiers le long du fossé où le vieux mélèze monte la garde. Plus loin, de vertes prairies descendent vers une vallée parsemée de boutons d’or, tels des poussières d’étoiles. Plus loin encore, de vastes champs s’étendent jusqu’à la bordure pourpre des collines boisées en arrière-plan. 7 »
Le lieu de naissance d’Anne… la maison aux pignons verts
Montgomery a assemblé des détails tirés de nombreuses sources pour les descriptions qui figurent dans ses livres – le lecteur trouvera rarement un lieu qui n’est pas un amalgame de ses observations et de son expérience (à l’exception du Sentier des amoureux). Le titre Anne… la maison aux pignons verts [Anne of Green Gables] est intentionnel, car il associe le personnage principal à une identité et à un lieu précis.
Le lieu fictif est un mélange d’endroits réels que l’autrice affectionnait. Le vert est la couleur de prédilection parce qu’elle représente le magnifique environnement naturel et domestiqué bienveillant du récit; dans le titre anglais, cette couleur (green) est jumelée avec « gables » (pignons) pour l’allitération et parce que les pignons se dirigent vers le haut et contiennent des chambres d’où la vue invite à l’imagination. La ferme Macneill, avec ses vergers, ses jardins et sa fenêtre dans le pignon, était vraiment un refuge pour l’imagination de L.M. Montgomery.