Chapitre n° 2
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Elle agrippa une des longues tresses brillantes qui lui pendaient dans le dos, la fit passer par-dessus son(commencer subscript)^(fin subscript)(commencer superscript)sa maigre(fin superscript) épaule, et la flanqua sous le nez de Matthew. Matthew n’avait guère l’habitude de se prononcer sur la couleur des tresses des jeunes filles, mais, cette fois-ci, il n’y avait pas moyen de se tromper.
— C’est roux, non? risqua-t-il.
La fillette laissa retomber la tresse tout en poussant un soupir si profond qu’il semblait provenir du bout de ses orteils et exhaler toute la détresse de l’histoire humaine.
— Oui, c’est roux, dit-elle, résignée. Et vous comprenez, à présent, pourquoi je ne peux pas être parfaitement heureuse, personne pourrait être ne peut l’être, avec des cheveux roux. Le reste – mes taches de rousseur, mes yeux verts, ma maigreur extrême –, ça ne me dérange pas autant. Je peux les faire disparaître si je veux. Je peux imaginer que j’ai un teint de pétales de roses superbe, pâle comme des pétales de rose, et de beaux yeux violets (commencer subscript)^(fin subscript)(commencer superscript)scintillants comme des étoiles(fin superscript). Mais je n’arrive pas à
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« It's red, ain't it? » (C’est roux, non?) : éditions anglaises d’Anne of Green Gables de 1994 et 1979, traduction en hébreu datant de 2001 et première édition en suédois en 1909 montrant toutes divers tons de roux utilisés pour les longues tresses d’Anne.
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« I can't be perfectly happy » (Je ne peux pas être parfaitement heureuse) : Le journal Charlottetown Guardian s’est servi de ce passage dans un article paru le 17 mars 1908 portant sur la publication prochaine d’Anne of Green Gables, mais on a par erreur indiqué que Montgomery venait de Park Corner plutôt que de Cavendish.
« Les lecteurs du Guardian seront probablement intéressés par le court extrait suivant du livre de Mademoiselle Lucy Maud Montgomery de Park Corner, dans cette Province, qui paraîtra bientôt : « Oui, c’est roux, dit-elle, résignée. Et vous comprenez, à présent, pourquoi je ne peux pas être parfaitement heureuse, personne ne peut l’être, avec des cheveux roux. Le reste – mes taches de rousseur, mes yeux verts, ma maigreur extrême –, ça ne me dérange pas autant. Je peux les faire disparaître si je veux. Je peux imaginer que j’ai un teint superbe, pâle comme des pétales de rose, et de beaux yeux violets, scintillants comme des étoiles. Mais je n’arrive pas à m’imaginer sans ces cheveux-là. J’essaie. Je me dis, “Voilà! Mes cheveux sont d’un noir de jais, noirs comme l’aile d’un corbeau ”. Mais j’ai beau essayer, je sais qu’ils sont toujours aussi fatalement roux, et cela me fend le cœur. J’en serai malheureuse toute ma pauvre existence. J’ai lu, un jour, dans un roman, l’histoire d’une fille qui avait été malheureuse toute sa vie, mais ce n’était pas la faute de ses cheveux roux. Au contraire, sa chevelure à elle était d’or pur et ruisselait autour de son front d’albâtre. Qu’est-ce que c’est, un front d’albâtre? Je n’ai jamais trouvé l’explication. Vous pouvez me le dire, vous? » Ce livre, Anne of Green Gables, que L.C. Page & Company de Boston publiera en avril, promet de nous présenter l'un des personnages de filles les plus charmants et les plus originaux des livres de fiction récents. Cette petite orpheline remplie d’imagination trouve un foyer chez un vieux fermier et sa sœur, une vieille fille. Mademoiselle Montgomery a créé un personnage qui prendra sa place aux côtés de la charmante Rebecca de Mme Wiggin. » [Traduction libre]
Island Newspapers