Chapitre n° 20 - (VERSO)
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très réelle. Emportée littéralement par son imagination, elle redoutait le petit bois d’épinettes la nuit tombée. Mais Marilla demeura inexorable. Elle conduisit la pauvre voyante épouvantée jusqu’à la source et lui enjoignit de traverser le pont séance tenante, et de continuer sa route dans ces régions secrètes où s’étaient réfugiés les dames qui gémissaient et les spectres décapités. H12
« Allons, marche »
Anne se mit en marche. Ou plutôt, elle traversa le pont en trébuchant à chaque pas, et, transie d’épouvante, elle s’engagea dans l’horrible chemin sombre qui suivait. Elle n’oublia jamais ce parcours-là. Elle se reprochait amèrement d’avoir ainsi donné libre cours à son imagination. Les gobelins de ses visions la reluquaient à chaque coin d’ombre, tendant leurs mains froides, décharnées, pour essayer de saisir la main
Notes de LMM
LMM Note H12
— Oh, Marilla, comment peux-tu être aussi cruelle? s’écriait Anne en sanglotant. Que penserais-tu si une chose blanche s’emparait de moi et me faisait disparaître?
— Je veux bien courir ce risque, répondit Marilla, impitoyable. Tu sais que je n’ai qu’une parole, et je vais te guérir, moi, de cette manie d’imaginer des fantômes partout. Allez, marche!
ANNOTATION TEXTE
« headless spectres » (spectres décapités) : Montgomery admirait Washington Irving et sa nouvelle, La légende de Sleepy Hollow (1819–1820). On pouvait facilement se procurer cette nouvelle qui pourrait avoir influencé l’imagination d’Anne.
ANNOTATION PHOTO
« horrible dim path beyond » (l’horrible chemin sombre qui suivait) : photo de Montgomery d’un « sentier en forêt ».
Collections d’archives et collections spéciales, Université de Guelph, Collection L.M. Montgomery