Chapitre n° 2
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Celle-ci l’avait observé depuis qu’il était passé près d’elle, et maintenant elle le suivait des yeux. Matthew, lui, ne la regardait pas, et de toute manière, l’eût-il fait qu’il n’aurait pas vu à quoi elle ressemblait vraiment. Mais voilà comment elle serait apparue aux yeux d’un observateur ordinaire : une enfant d’environ onze ans, affublée d’une robe très courte, (commencer subscript)^(fin subscript)(commencer superscript)très serrée,(fin superscript) très laide, d’une tiretaine d’un gris jaunâtre. Elle portait un chapeau de marin d’un brun (commencer subscript)^(fin subscript)(commencer superscript)passé(fin superscript), et sous ce chapeau, (commencer subscript)^(fin subscript)(commencer superscript)dégringolant jusqu’au milieu de son dos,(fin superscript) émergeaient deux tresses très épaisses, d’un roux éblouissant. Son petit visage, pâle, émacié, était constellé de taches de rousseur; elle avait une grande bouche et de grands yeux qui oscillaient du vert au gris selon la lumière (commencer subscript)^(fin subscript)(commencer superscript)et son humeur(fin superscript).
Voilà donc ce qu’aurait noté un observateur ordinaire. Mais un spectateur extraordinaire aurait pu voir que le menton était très pointu,
ANNOTATION PHOTO
« wincey » (tiretaine) aussi appelé linsey-woolsey, est un tissu dont la chaîne est en lin et la trame en laine. Il peut être sergé ou uni. Dès les années 1880-1890, ce tissu aurait été considéré comme passé de mode et utilisé pour confectionner des vêtements solides et bon marché. Les lecteurs de 1908 auraient aisément reconnu cette connotation. La page couverture de l’édition de 1964 nous montre Anne, perchée sur un tas de bois et vêtue de sa « très laide » robe.
ANNOTATION TEXTE
« decidedly red hair » (cheveux d’un roux éblouissant) : dans toute l’histoire, les cheveux roux ont été méprisés et aussi vénérés dans les diverses cultures. Juliet McMaster a écrit : la chevelure rousse flamboyante d’Anne est son signe visible et identitaire. Elle lui confère son pouvoir mythopoétique et fait de l'orpheline sans défense habitant une petite île canadienne une héroïne pour toutes les saisons et tous les climats, « populaire » au sens le plus large du terme. (Tiré de « Taking Control: Hair Red, Black, Gold, and Nut-Brown », Making Avonlea, édité par Irene Gammel, University of Toronto Press, 2002, p. 58).